Résumé :
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La critique [evene] par Emilie VitelLe temps qui passe change les insouciants en vieillards résignés, les amoureux fébriles en automates silencieux et délave les espoirs inutiles. Portrait d’une génération transitoire sacrifiée sur l’autel de la lente transformation des moeurs, ‘Le Goût âpre des kakis’ cache sous des dehors innocents une lucidité implacable. L’entrée en matière est légère, presque anecdotique. Les personnages se suivent sans se ressembler, se croisent parfois, imprégnés de valeurs qui ne leur ressemblent plus. Ils perpétuent des rituels inconscients et immuables pour mieux lutter contre l’inéluctabilité du temps qui passe et bouleverse les repères, sape les certitudes. Il est question de mariage, de dot, d’enfants, d’obligations à chaque page. Pourtant, dans ces vies d’habitudes, certains osent la remise en question. Zoyâ Pirzâd met en perspective les préoccupations actuelles des femmes iraniennes. Elle épingle les hommes, machines à engendrer des femmes au foyer, et pointe leur égoïsme insolent. D’une langue incisive, l’écrivain écorche un ensemble plusieurs fois millénaire de traditions et de raideurs. Sans jamais verser dans la demi-mesure, elle compose des tempéraments outrancièrement dociles ou bornés à l’excès, met en scène des êtres qui ont tôt fait de se laisser enivrer par ce que la vie semble prête à leur offrir et s’exposent à la déconvenue. Comme le kaki cueilli avant l’heure laisse en bouche une sensation amère. En quelques nouvelles, Zoyâ Pirzâd invoque le changement dans le respect de l’héritage et fait de la raison le garant d’un équilibre juste, l’ultime recours contre l’aliénation.
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